Un légiste de Vichy à la Communauté européenne. Maurice Lagrange : une biographie professionnelle

Revue Civitas Europa n°50

Ce dossier porte pour la première fois sur la trajectoire d'un singulier légiste, ayant contribué à deux « révolutions juridiques » : Maurice Lagrange. Premier avocat général français de la Cour de justice des Communautés européennes de 1952 à 1964, il est l'un des pères du droit européen. Pur produit du Conseil d'État où il entre en 1924, il a servi à Vichy, de 1940 à 1942, comme chargé de mission à la Vice-Présidence du Conseil. A ce titre, il a été le responsable de la mise en œuvre du statut des juifs et le rédacteur du premier et funeste statut de la fonction publique française de 1941. De 1952 à 1955, il inspira celui de la fonction publique européenne à Luxembourg.

Comment expliquer une telle continuité de trajectoire ? Au-delà d'une spectaculaire reconversion, peut-on identifier des éléments de continuité doctrinale de cet administrativiste devenu communautariste ? Ce projet rassemble politistes, juristes et historiens qui ont été amenés à croiser dans leurs travaux la personnalité et le rôle de Lagrange à des périodes différentes. Il entend ainsi relier les deux éléments habituellement séparés de la carrière de Lagrange : le Conseil d'État et Vichy d'un côté, la Cour de Luxembourg et le droit européen de l'autre.

Tout en replaçant Lagrange dans ses univers professionnels successifs, ce dossier de 140 pages reconstitue de façon inédite une biographie profes­sionnelle de trente-cinq ans, de sa nomination comme Commissaire du gouvernement en 1929 au Conseil d'État jusqu'à l'énigme de son départ de la Cour de justice à Luxembourg en 1964. Ce dossier analyse ainsi sa place au Conseil d'État avant-guerre, comment il est devenu l'homme fort de la "Révolution nationale administrative", comment il échappe à l'épuration en 1945 puis les conditions de sa nomination en 1952 au sein de cette drôle de première Cour de justice européenne. Au regard de ses positions défendues à la Cour de justice ainsi que de son rôle auprès de Monnet puis de Rueff, ce dossier entend enfin expliquer les logiques de fabrication de sa légende fédéraIiste et de sa consécration européenne.
 

  • Les auteur·rices

    Michel Mangenot (directeur du dossier) est Professeur de science politique et Directeur de l'Institut d'études européenne de l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis.

    Laure Clément-Wilz est Professeure de droit public à l'Université Paris Est Créteil.

    Antonin Cohen est Professeure de science politique à l'Université Paris Nanterre.